Ou comment Knock s’est invité dans nos comportements
Par Romain A. – Temps de lecture : 2 minutes
Chers lecteurs,
Je ne sais si vous avez eu vent, ces dernières semaines, de cette loi outre Manche souhaitant interdire la cigarette et la vapotage à tous les jeunes nés après 2009 qui déboucherait ainsi, par conséquence, sur une « génération zéro tabac »1. Les répercussions des comportements anglo-saxons sur notre territoire ne se sont pas fait attendre, et certains, jusqu’aux plus hautes sphères de l’État français, envisageraient une législation similaire pour notre pays. Cet événement, qui pourrait sembler anecdotique à première vue, met en lumière une hypermédicalisation inquiétante de notre société occidentale. En effet, au-delà des conséquences économiques et sécuritaires qu’une telle interdiction pourrait entraîner, cette prohibition des temps modernes constitue un pas de plus vers une approche du « tout médical ».
Cette tendance n’est point une nouveauté, mais plutôt une évolution qui s’est dessinée au fil des ans. La loi Evin, cette fameuse loi, a été le catalyseur de ce mouvement. Certains parmi vous se souviendront sans doute avec une certaine nostalgie de l’époque où l’on pouvait allumer une cigarette au cinéma ou au restaurant. Cette loi, en dépit de ses détracteurs, n’était pas dénuée de sens. Cependant, comme toute action humaine est enclin aux excès, il n’a pas fallu longtemps pour que des voix s’élèvent, réclamant l’extension de cette loi à tous les lieux publics, voire même dans nos rues, et jusqu’à aujourd’hui, exigeant l’interdiction totale et définitive de toute consommation de tabac. L’alcool a également rejoint le cercle de plus en plus restreint des produits à bannir de notre consommation, suivi de près par la viande, et ainsi de suite. À présent, la liste semble interminable et s’apparente presque à une charte constitutionnelle, surtout pour ces écologistes urbains nourris exclusivement de graines et de légumes biologiques (bientôt d’insectes si Aymeric Caron ne s’y oppose pas) NDLR – Rire- , dont les visages marqués par des cernes prononcées et des corps frêles se mouvant sans aucune espèce d’énergie ne reflètent en rien une santé robuste.

C’est une société bien triste qui nous est promise, ce “monde d’après”, comme on le dit. Une société où tous les petits plaisirs ne sont plus tolérés au nom de la médicalisation, où une santé pure et irréprochable est prônée à tout prix, sans faille, pour tous les individus, comme le martèlent sans cesse les publicités gouvernementales. On se croirait dans l’univers du docteur Knock – NDLR : pièce de théâtre de Jules Romains, représentée à partir de 1923 à Paris, – pour qui “tout bien-portant est un malade qui s’ignore”. Après la cigarette, vous n’aurez plus le droit de consommer de la viande parce qu’elle est cancérigène, vous ne pourrez plus boire d’alcool à cause de ses nombreux problèmes associés, vous ne sortirez que pour l’essentiel, et vos interactions sociales seront réduites au strict minimum. En somme, une société où le travail prime, où il n’y a guère de place pour profiter de la vie et de ses petits plaisirs, en famille ou entre amis, et où nous sommes condamnés à ressembler à des cadavres revenus d’outre-tombe. Car oui, je le dis haut et fort, le tabac, l’alcool, la bonne viande, les bons repas, et tous ces éléments qui constituent notre art de vivre à la française sont indispensables, non seulement à la survie de notre culture et de nos traditions, mais surtout à notre propre survie. La doctrine catholique nous le rappelle : ni puritanisme, ni débauche. En d’autres termes, notre intelligence humaine nous permet de profiter de tous les plaisirs de la vie sans tomber ni dans la restriction implacable, ni dans l’excès déraisonné.

Fourie Albert Auguste (1854-1937) © GrandPalaisRmn / Gérard Blot
Le Conservateur
